"ISO détecte les mêmes matières dans la comète Hale-Bopp que dans les nuages de poussières
qui entourent les étoiles," déclare Jacques Crovisier. "L'un des principaux constituants de la
poussière stellaire comme de la poussière cométaire est l'olivine sous forme cristalline. Or, c'est
également l'un des principaux éléments constitutifs du manteau terrestre. Nous pouvons
maintenant affirmer avec une quasi-certitude que nous nous trouvons sur un amas solidifié de
poussières minérales semblables à celles que contiennent les comètes qui évoluaient autour du
Soleil il y a 4500 millions d'années."
L'olivine prédomine dans le manteau terrestre sous la mince couche que forme la croûte de notre planète et affleure en surface sous forme de péridot, minéral de couleur vert olive. Les matériaux riches en olivine sont appréciés des géologues eux aussi car ils représentent d'importantes sources de chrome, de platine et de diamant.
Les éléments qui composent la vapeur et la poussière de la comète Hale-Bopp rayonnent à des longueurs d'onde caractéristiques dans l'infrarouge, dont un grand nombre ne peuvent être observées sans risque d'erreur que dans l'espace. L'équipe de chercheurs a tiré parti de l'avantage exclusif qu'offre ISO de pouvoir analyser des émissions sur une large gamme de longueurs d'onde, allant de 2 à 200 microns, en utilisant trois des instruments de la sonde : le spectromètre à courte longueur d'onde SWS, un autre spectromètre à courte longueur d'onde intégré au photomètre ISOPHOT et le spectromètre à grande longueur d'onde LWS.
Le SWS a mis en évidence de la poussière d'olivine dans cette comète par un ensemble caractéristique de pics d'émission (11,3, 16,5, 19,8, 24,0, 27,6 et 33,9 microns), qui sont la marque de la forstérite cristalline, forme d'olivine riche en magnésium. La signature infrarouge diffère totalement de celle des pyroxènes, qui sont les silicates communs de la croûte terrestre.
L'année dernière, des astronomes utilisant le même instrument d'ISO avaient fait état de fortes présomptions quant à la présence d'olivine après avoir détecté des émissions centrées autour de 33 microns provenant des nuages de poussières qui entourent un certain nombre d'étoiles en fin de vie. C'est là que s'élabore l'olivine à partir des éléments chimiques libérés par les étoiles de formation ancienne. D'autres utilisateurs du SWS ont mesuré l'ensemble complet des émissions de la forstérite dans un nuage de poussières entourant une étoile jeune, où un processus de formation de planètes est peut-être en cours. La similitude entre les spectres de cette étoile (dénommée HD 100546) et de la comète Hale-Bopp est étonnante. Bien que ces deux objets soient séparés par plusieurs centaines d'années-lumière et présentent d'énormes différences d'échelle, ISO détecte la même matière dominante dans les deux cas.
Les comètes contiennent également de la glace, principalement sous forme d'eau, de monoxyde et de dioxyde de carbone à l'état solide. ISO a montré que ces molécules étaient les principaux composants de la glace présente dans l'espace interstellaire, où elles existent sous forme de petits grains. Sur la comète Hale-Bopp, ISO détecte et mesure ces molécules lorsqu'elles se transforment en vapeur. M. Crovisier et ses collègues communiquent, dans la revue Science, la perte de masse de la comète Hale-Bopp par évaporation du fait de la chaleur du Soleil.
Le 27 septembre 1996, alors que la comète se trouvait encore à 444 millions de kilomètres du Soleil, elle rejetait de la vapeur d'eau dans l'espace à raison de 10 tonnes par seconde, ce chiffre étant de 11 tonnes par seconde pour le monoxyde de carbone et de 5 tonnes par seconde pour le gaz carbonique. La masse totale des matières rejetées par la Comète Hale-Bopp était alors de 2,2 millions de tonnes par jour. Si l'on compte en molécules et non en masse, l'émission de vapeur d'eau, de monoxyde et de dioxyde de carbone par vaporisation était dans des rapports de 10:6:2.
La température à laquelle les molécules d'eau se sont constituées à l'origine dans l'espace, il y a plusieurs milliards d'années, était d'environ -250°C. L'équipe Crovisier est arrivée à cette conclusion en distinguant avec le SWS les signatures dans l'infrarouge de deux types de molécules d'eau dans une plage allant de 2,6 à 2,9 microns. Lorsque des molécules d'eau se forment aux températures habituelles, les noyaux des deux atomes d'hydrogène tournent dans le même sens dans trois cas sur quatre. A très basse température, comme c'est le cas dans l'espace interstellaire, les sens de rotation opposés deviennent plus fréquents. La meilleure correspondance avec le spectre ISO intervient pour un rapport de 2,45 à 1 pour les deux types moléculaires, ce qui correspond à la constitution de molécules à 25° au-dessus du zéro absolu.
La publication de ce rapport basé sur ISO, ainsi que d'un certain nombre d'autres articles scientifiques sur la comète Hale-Bopp, coïncide avec son passage au plus près du Soleil (à 136 millions de km), qui est attendu le 1er avril. La note d'information ESA n° 08-97 fait le point sur d'autres observations de la comète Hale-Bopp par ISO, comprenant une image prise par la caméra ISOCAM.
Des photographies sont disponibles sur Internet: ici
Titre: Nuage de poussières stellaires (HD 100546). Spectromètre à courte longueur d'onde d'ISO.
Source: ISO/ESA, SWS ET C. Waelkens et al.
Légende: Les émissions dans l'infrarouge de la comète Hale-Bopp indiquent la prédominance, dans la poussière minérale émanant de la comète, d'une forme cristalline d'olivine. La même matière apparaît dans un nuage de poussières entourant une étoile jeune, où un processus de formation de planètes est peut-être en cours. Ces deux spectres ont été obtenus avec le même instrument embarqué sur ISO, l'Observatoire spatial dans l'infrarouge de l'Agence spatiale européenne.