Toute aussi frappante est la découverte par ISO de vapeur d'eau dans les planètes extérieures, Saturne, Uranus et Neptune. Comme ces objets très froids ne peuvent dégager l'eau qu'ils contiendraient, il est probable qu'ils ont été alimentés par de l'eau provenant d'une autre partie du système solaire.
Depuis qu'ISO a été placé sur orbite fin 1995, les astronomes ont utilisé son pouvoir exceptionnel d'analyse du rayonnement infrarouge provenant de l'Univers pour identifier la présence d'eau en vapeur ou en glace à proximité d'étoiles en fin ou en début de vie. Ils ont également mesuré la quantité de vapeur d'eau dégagée par la Comète Hale-Bopp.
"Avant ISO, aucun instrument n'avait été en mesure de détecter de l'eau en tant de points dans l'Univers," fait remarquer M. Roger Bonnet, Directeur du programme scientifique de l'ESA. "Mettre en chantier l'historique de l'eau terrestre provenant de l'espace semble à présent à portée de main des astronomes et de l'ESA grâce à ISO, notre observatoire spatial dans l'infrarouge, unique en son genre. Et la découverte au moyen d'ISO que l'eau existe un peu partout dans notre galaxie apporte un soutien nouveau à l'éventualité de la vie à proximité d'autres étoiles."
De l'eau au milieu des étoiles
Les atomes d'hydrogène primitif donnent de l'eau en se combinant aux atomes d'oxygène fabriqués au sein des étoiles à l'occasion des réactions nucléaires qui se produisent vers la fin de la vie de celles-ci. L'oxygène des étoiles défuntes enrichit la galaxie, tandis que l'hydrogène est disponible en abondance pour réagir avec le premier. Même si l'existence d'eau dans l'espace interstellaire n'est pas une surprise, l'atmosphère humide de notre planète rend les choses difficiles aux astronomes qui veulent repérer la présence de vapeur d'eau dans l'Univers au moyen d'instruments au sol.
Les observations faites avec des aéronefs et des ballons ont fourni de premières indications sur l'existence d'eau dans l'espace distant mais, pour procéder à des études plus poussées, il a fallu attendre ISO et sa vision de l'Univers, dégagée de l'atmosphère terrestre. Trois des instruments du satellite, le spectromètre à courte longueur d'onde (SWS), le spectromètre à grande longueur d'onde (LWS) et le photomètre ISOPHOT travaillant en mode spectroscopique ont pris part à cette quête.
A titre d'exemple, des utilisateurs du SWS et du LWS ont fait part l'an dernier de la présence de vapeur d'eau à proximité d'une étoile vieillissante, W Hydra, d'où s'échappe des vents chargés en oxygène. La source infrarouge brillante GL2591 qui entoure une étoile massive nouvellement formée a révélé au SWS des quantités importantes de vapeur d'eau chaude. Les jets de gaz émis par des étoiles très jeunes peuvent créer à grande distance des ondes de choc lumineuses, et le LWS a procédé à la première détection de vapeur d'eau dans un objet de ce type, HH-54.
Parmi les objets étudiés par la suite au moyen du LWS, IRAS 16293-2422 est un "oeuf cosmique" en train de donner naissance à une étoile d'une taille approchant celle du Soleil. Les émissions caractéristiques de la vapeur d'eau à 108, 113, 174 et 179 microns y apparaissent clairement. L'eau joue un rôle effectif dans la fabrication de l'étoile. Elle contribue à rayonner l'excès de chaleur qui, en son absence, empêcherait le gaz originel de se condenser sous l'effet de la force gravifique pour donner naissance à l'étoile.
Lorsqu'ISO est pointé sur le centre de la galaxie, qui se situe à environ 28 000 années-lumière dans la constellation du Sagittaire, on peut voir non pas des émissions aux longueurs d'ondes caractéristiques de l'eau, mais des raies d'absorption. Ces dernières se présentent comme des creux dans le spectre infrarouge et dénotent la présence de nuages sombres et froids, dénommés nuages moléculaires, qui sont la source principale des nouvelles étoiles. Très près du centre réel de la galaxie se trouve la source infrarouge brillante Sagittarius B2 qui, elle aussi, fait apparaître la présence de vapeur d'eau.
Dans un programme d'observations qui a débuté à l'automne 1996 et qui se poursuit actuellement, le spectromètre à grande longueur d'onde d'ISO a procédé à des observations d'une telle précision que les astronomes ont pu distinguer des nuages moléculaires différents en direction du centre de la galaxie. Ces nuages se déplacent à des vitesses différentes par rapport à la Terre. L'effet Doppler modifie la longueur d'onde caractéristique de l'eau, ce qui produit une large raie d'absorption représentant la vapeur d'eau dans les différents nuages situés entre la Terre et la source lumineuse Sagittarius B2. La détection au moyen du LWS de molécules d'eau contenant cette forme rare d'oxygène lourd qu'est l'oxygène 18 ont aidé les astronomes à estimer la quantité d'eau présente.
D'autres nuages contenant de l'eau ont été mis en évidence lorsqu'ISO a été pointé sur d'autres régions denses de la galaxie, un peu plus éloignées de son centre. On peut vraiment dire, comme un célèbre maréchal français : "Que d'eau, que d'eau !"
L'astronome espagnol Jose Cernicharo, de l'Institut de la structure de la matière à Madrid, a pris une part décisive à ce travail et est enchanté de ses résultats :
"Pour la première fois, nous avons une impression nette de l'abondance de l'eau dans la
galaxie. Dans les nuages relativement denses, c'est près de 10 % de la totalité des atomes
d'oxygène qui sont incorporés dans les molécules de vapeur d'eau. Il est possible qu'il en existe
encore davantage sous forme de glace. La vapeur d'eau est, après l'hydrogène moléculaire et le
monoxyde de carbone, l'une des molécules les plus importantes de l'espace. Elle joue un rôle
majeur dans l'évolution dynamique du gaz à l'intérieur des nuages moléculaires de notre
galaxie, et donc dans la formation de nouvelles étoiles".
L'eau des planètes extérieures
La présence de vapeur d'eau sur Saturne, Uranus et Neptune est apparue lors d'analyses des observations très précises opérées au moyen du spectromètre à courte longueur d'onde d'ISO en octobre et novembre 1996. Dans un rapport aux milieux astronomiques mondiaux, il est dit qu'une signature particulièrement claire de l'eau sur Uranus apparaît dans des émissions distinctes dans l'infrarouge à huit longueurs d'ondes comprises entre 28,43 et 44,19 microns. Une première analyse montre que de la vapeur d'eau existe dans l'atmosphère extérieure de la planète géante à une température de l'ordre de 0 degré C.
ISO a permis de détecter six des mêmes "raies" de l'eau dans le spectre infrarouge de la lointaine Neptune, et trois dans Saturne qui est plus proche de nous qu'Uranus. La question à résoudre pour les astronomes spécialistes en planétologie est maintenant de comprendre d'où vient cette eau.
Ces planètes géantes sont à très longue distance du Soleil. A titre d'exemple, Uranus en est 20 fois plus éloignée que la Terre et le rayonnement solaire y est diminué d'un facteur de 400. Mais les planètes possèdent leurs propres sources internes de chaleur, et l'on pense qu'elles contiennent beaucoup d'eau qui y a été incorporée au moment de leur formation. Il serait toutefois difficile que de la vapeur d'eau s'en échappe dans l'atmosphère extérieure. En revanche, l'eau sous forme de glace est un constituant majeur des comètes qui entrent parfois en collision avec les planètes comme on a pu le voir en 1994 lors des spectaculaires impacts de la Comète Shoemaker-Levy 9 sur Jupiter.
Le Chef de l'équipe ISO qui a découvert de la vapeur d'eau dans les planètes extérieures est M. Helmut Feuchtgruber de l'Institut Max-Planck de Physique extra-terrestre à Garching, Allemagne. Il travaille au centre des opérations d'ISO à Villafranca, Espagne. Pour lui, l'interpré-tation de l'existence de cette vapeur d'eau est pleine d'enseignements pour la science planétaire :
"L'atmosphère supérieure de la Terre est très sèche parce que l'eau s'évaporant des océans et des terres émergées gèle en formant des nuages. Nous aurions pu nous attendre à trouver le même type de "couvercle" emprisonnant la vapeur d'eau des planètes extérieures. Celle que nous observons sur Saturne, Uranus et Neptune provient probablement d'une source extérieure. Cela a d'importantes incidences sur nos théories au sujet de l'origine et de l'évolution de l'atmosphère de toutes les planètes, y compris la Terre."
Helmut Feuchtgruber, Emmanuel Lellouch et leurs collègues préparent actuellement une analyse théorique de l'origine probable de la vapeur d'eau dans les planètes extérieures, étude qu'ils espèrent publier dans quelques mois.
Une "success story" européenne
Qualifié par un aréopage d'astronomes américains comme "la plus grande mission de la décennie dans l'infrarouge", ISO représente une réalisation toute particulière pour l'ESA, ainsi que pour les astronomes et ingénieurs européens. C'est une technique très fine qui a permis de créer le télescope d'ISO, porté à une température extrêmement froide pour pouvoir observer les régions froides de l'Univers.
Ce sont des équipes multinationales ayant à leur tête des astronomes allemands, britanniques, français et néerlandais qui ont réalisé les instruments scientifiques particuliers qu'emportent le satellite.
ISO a été lancé le 17 novembre 1995 par un lanceur européen Ariane 44P.
Les réserves d'hélium superfluide d'ISO, qui gardent au froid le télescope et les instruments, devraient s'épuiser vers la fin de 1997, ce qui donnera à l'observatoire plusieurs mois de vie utile de plus que ne le prévoyait son cahier des charges. Les demandes d'observations présentées par des astronomes du monde entier ont toujours largement dépassé le temps disponible, même si les contrôleurs du véhicule spatial au Centre de l'ESA à Villafranca pilotent une moyenne de 45 observations astronomiques chaque jour.
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+ 33(0)1.5369.7155
Dr Martin Kessler
Scientifique du projet de l'ESA
+34.1.813.1253
Prof. Peter Cleeg
Chercheur principal, Spectromètre ondes longues
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Dr Thijs de Graauw
Chercheur principal, Spectromètre ondes courtes
+ 31.50.363.4074
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Dr Jean-Paul Baluteau +33(0)4.9105.5900
Dr Pierre Cox +33(0)1.6985.8737
Dr Jose Cernicharo +34.1.590.1611
L'eau des planètes extérieures:
Dr Helmut Feuchtgruber +34.1.813.1373
Dr Thérèse Encrenaz +33(0)1.4507.7691
Dr Emmanuel Lellouch +33(0)1.4507.7672
Des photographies sont disponibles sur Internet: ici.